Le Piémont, paradis gastronomique et œnologique

Blottie au pied des Alpes, cette superbe région méconnue du nord ouest de l’Italie est une destination de rêve pour un long week-end culturel, œnologique et gourmand.

Les collines des Langhe et du Roero, situées le long du fleuve Tanaro autour de la ville d’Alba, déroulent leurs paysages bucoliques et viticoles, ponctués de châteaux médiévaux et de petits villages perchés.

C’est le terroir du nebbiolo, cépage-roi local qui donne naissance aux plus prestigieux vins italiens, le Barolo et le Barbaresco. On découvre aussi le Barbera, plus populaire, qui est un autre cépage autochtone dont on fait du Barbera d’Alba, d’Asti, ou de Monferrato, et qui se boira un peu plus jeune, ainsi que le Dolcetto ou le Freisa, qui donneront de beaux rouges, ronds et fruités.

Du côté des cépages blancs, le plus connu est le Moscato, suave et aromatique, dont on fait un vin frizzante, légèrement pétillant : le Moscato d’Asti, mais l’on trouve aussi l’Arneis, cultivé sur les collines du Roero, et l’Erbaluce qui est souvent vinifié en vino passito, comme un vin de paille.

Vignes

Pour découvrir et goûter la fantastique diversité du terroir viticole piémontais, les cantine (les caves, attention faux ami !) et enoteca ne manquent pas. On peut choisir un producteur et se rendre directement au domaine pour découvrir sa production, ou aller dans une coopérative ou une enoteca régionale pour goûter et comparer les vins de producteurs et de cépages différents. Voici quelques adresses testées et approuvées (ou non) :

  • L’Enoteca Regionale Del Barbaresco : superbement installée dans une chapelle, elle permet de déguster (3€ le verre) et d’acheter une grande variété des vins produits sur le terroir de Barbaresco.
  • La coopérative « Produttori del Barbaresco », à l’autre bout de la rue principale de ce charmant village, propose l’un des meilleurs rapports qualité-prix en ce qui concerne les vins de Barbaresco. Deux catégories de vins sont proposées, un Barbaresco « villages », sur le fruit mais ayant déjà une belle complexité, à un prix défiant toute concurrence (16€), et les cuvées Riserva, qui vallent vraiment le détour, issues de différents terroirs parmi les plus nobles de l’appelation, comme par exemple le Rabajà ou le Pajé : beaucoup plus complexes, ces vins ont un beau potentiel de garde, comme il nous a été l’occasion de le découvrir en dégustant au restaurant Il Centro (voir ci-dessous) un Rabajà 1996 au meilleur de sa forme mais qui pouvait encore vieillir quelques années.
  • Le domaine Gianni Gagliardo : cette famille de viticulteurs installée à La Morra, qui est en réalité la commune comprenant la majeure partie des vignes du Barolo, produit depuis plusieurs générations des vins très réputés et de très grande qualité. La cave du domaine, qui se visite, permet de déguster l’ensemble de leur production mais aussi d’accompagner la dégustation d’un repas typiquement piémontais, servi dans un cadre très agréable : nous avons ainsi goûté dans leur petit restaurant des agnolotti del plin, sorte de raviolis piémontais aux viandes et aux légumes, servis avec une délicieuse sauce aux fleurs de courgette. La encore, différentes cuvées de Barolo, un vin générique et des cuvées plus pointues : les vins sont assez chers mais reflètent l’excellence de leur élevage.
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La cantine du domaine Gagliardo et ses délicieux agnolotti del plin aux fleurs de courgettes

 

  • L’Enoteca Regionale Piemontese Cavour, située dans le magnifique château de Grinzane Cavour, et qui accueille chaque année en décembre la vente aux enchères mondiales de truffe blanche. Le château accueille aussi un musée ethnographique ainsi que le restaurant une étoile « Al Castello » : le cadre est superbe, mais nous avons été assez déçus par la cuisine du chef Alessandro Boglione, qui a d’ailleurs passé la soirée au milieu des tables à discuter avec les clients et non en cuisine… sans comparaison avec le restaurant Il Centro, à Priocca d’Alba (voir ci-dessous) où la cuisine, moins alambiquée, était bien plus savoureuse.
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Château de Grinzane Cavour
  • La banca del vino, à Pollenzo: située dans un lieu historique du beau village de Pollenzo, qui abrite également l’université des sciences gastronomiques de Slow Food, cette « banque du vin » a pour but de regrouper l’ensemble des millésimes des meilleurs vins italiens afin de constituer la mémoire historique du vin Italien. Une cave de plus de 100 000 bouteilles qui se visite, et surtout la possibilité de déguster et d’acheter de vieux millésimes, ce qui est rare.

 

Côté gastronomie, attention, il y a du niveau : Alba est bien sûr la capitale de la truffe blanche si convoitée (tuber magnatum Pico de son petit nom) ; les champs de noisetiers à perte de vue  produisent les noisettes de l’AOC  « Tonda Gentile delle Langhe » – ronde et douce des Langhe, tout est dit – au goût incomparable et qui servent de base à la fabrication du délicieux gianduia et autres délices (n’oublions pas que c’est à Alba qu’est née la marque Ferrero et sa célèbre pâte à tartiner) ; la viande de veau de race piémontaise ou fassone, souvent dégustée crue ; et enfin les fromages, qui ne sont pas en reste : formage de Bra, raschera, robiola, castelmagno et tomme piémontaise, tous d’origine protégée, qui fleurent bon les alpages de la province de Cuneo.

Et l’on comprend mieux pourquoi c’est ici, au sein de ce terroir exceptionnel, qu’est né le mouvement Slow Food, il y a plus de 25 ans, en réaction au développement de la culture fast food, pour défendre une alimentation « bonne, propre, et juste », respectueuse des terroirs, de la biodiversité et des traditions locales. C’est dans la ville de Bra, à quelques encablures d’Alba, qu’est installée l’association, et il ne faut pas manquer l’occasion d’aller à leur rencontre pour mieux connaitre et soutenir ce mouvement d’envergure international à la cause si noble, qui organise de nombreux évènements (dont le fameux salon du goût Terra Madre à Turin tous les deux ans), mène de nombreuses campagnes en faveur de l’éducation au goût et favorise la sauvegarde des produits alimentaires remarquables et menacés avec ses sentinelles Slow Food.

Pour mieux comprendre, et surtout goûter, la philosophie Slow Food, leur restaurant (qui jouxte le siège de l’association) à Bra vaut le détour. L’Osteria Boccondivino, avec sa jolie terrasse aux glycines, est l’endroit idéal pour découvrir les meilleurs produits du terroir piémontais.

Boccondivino

Asperges sauce au basilic / petite tourte d’orties et Raschera fondue pour les entrées, puis les fameuses Tajarin « 40 tuorli », de très fines tagliatelles aux œufs, réalisées avec 40 jaunes d’œufs par kilo de farine (imaginez la texture !) au ragoût de saucisse de Bra, et les gnocchi di patate aux asperges et Roccaverano, fromage local onctueux et aromatique aux laits de vache et chèvre de la race roccaverano, qui est très rare aujourd’hui.

Osteria Boccondivino

Via Mendicità, 14 – BRA

+39 1 72 42 56 74

info@boccondivinoslow.it

 

Si vous aimez l’ambiance typique et sympathique des marchés italiens, ceux d’Alba (le samedi matin principalement, mais aussi un plus petit le jeudi) et de Brà (le vendredi matin, dans toute la ville) constituent une bonne ballade… difficile de résister face à tant de belles et bonnes choses!marché

 

Voici enfin trois bonnes adresses de restaurants dans la région :

Il Centro, Priocca d’Alba

Nous y avons goûté la plus authentique des cuisines piémontaise, cuisinée avec finesse et talent par la famille Cordero. Il Centro, c’est une véritable institution ouverte depuis plus d’un demi-siècle : alors certes, la décoration de cette maison typique est un peu dans son jus, mais la cave du restaurant est une vraie mine d’or, avec beaucoup de vieux millésimes des excellents vins de la région, ce qui est très rare : il faut absolument demander à la visiter avant de quitter le restaurant, et il est même possible d’y dîner au milieu des bouteilles.  Nous avons donc choisi un Barbaresco de la coopérative des producteurs de Barbaresco de 1996, magnifique.

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Après un petit crostini de coppa et émulsion de fraise, nous commençons, puisque c’est la pleine saison, par des asperges servies avec des anchois marinés et une excellente crème au citron.

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On continue avec le tonno di coniglio, superbement réalisé. Il s’agit d’un plat classique de la cuisine piémontaise, préparé à partir de viande de lapin cuite longuement dans un bouillon, puis effilochée et marinée dans de l’huile d’olive comme peut l’être le thon, d’où son nom étonnant de « thon de lapin ».

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La caille en deux façons, cuite à la perfection, est servie avec une purée d’aubergines et une petite portion d’aubergines gratinées à la tomate et au parmesan. La cuisse de caille, croustillante à souhait, renferme une branche de céleri qui la parfume délicatement.

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La pasta, qui arrive ensuite, est majestueuse : agnolotti al seiras, fèves, tomates et petits pois. Le Seiras del Fen est une sorte de ricotta de la région enveloppée dans du foin d’alpage, qui lui donne un goût unique. On sent également le parfum d’une menthe poivrée qui rappelle la népita dans la farce au fromage, et l’ensemble est délicieusement frais et gourmand : un superbe plat de printemps.

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Pour le secondi piatti, nous nous sommes régalés avec, d’une part un scamone di manzo, sorte de rumsteck de veau, panné aux herbes et servi avec une excellente purée de carottes à l’organe, et de l’autre un capretto al forno, cabri rôti, parfumé et gourmand.

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Plus de place pour les desserts après un tel festin… dommage, car vu la qualité des mignardises (mmm, la truffe de chocolat blanc aux noisettes du Piémont), ils devaient valoir le coup!

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Il Centro

via Umberto I 5,

Priocca d’Alba (CN), Italie

+39 01 73 61 61 12 – fermé le mardi – compter de 30€ à 50€ le soir

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La Piola, Alba

Avec sa terrasse sous les arcades de la place principale d’Alba et sa salle aux allures de bistro, La Piola est l’annexe de Piazza Duomo, le restaurant gastronomique d’Enrico Crippa, dont il partage les cuisines : mêmes produits, ardoise supervisée par le chef étoilé, et des prix doux : il serait bien dommage de ne pas faire y faire une halte.

La piola

Ce midi là, nous nous sommes régalés avec des agnolotti del plin, une délicieuse salade de céréales, légumes et herbes, et un semifreddo au chocolat blanc, noisettes et fraises…

La Piola
Piazza Risorgimento 4 – 12051 – Alba (Cn)
Tel. +39.0173.442800 – plats à l’ardoise : 10-20€

info@lapiola-alba.it

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Consorzio, Turin

Une petite trattoria typique dans le centre de Turin, qui propose une cuisine piémontaise revisitée mettant en valeur des produits sentinelles slowfood. Mieux vaut le savoir, de nombreux plats sont à base de viande et d’abats. Du côté des antipasti, nous y avons goûté la cruda, viande crue de boeuf, veau et porc, servie en trois préparations,  le acciughe (les anchois), servies crus et frits, et les « herbes frites », qui étaient en fait des beignets de fleurs de courgettes, légers et croustillants. Les gnocchi di patate al ragu’ piemontese étaient délicieux, et les agnoloti del plin aux orties et fromage de chèvre, sauce au thym, tout un poème…

Torino

 

La carte des vins est vraiment impressionnante, le service jeune et sympa, et nous avons même terminé le repas en goûtant de la grappa di Barolo, très réputée et excellente.

Ristorante Consorzio

Via Monte di Pieta’ 23 – 10122 – Torino

Tel. +39 01 12 76 76 61

Menu dégustation à 30€ / plats : 10-20€ à la carte

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Et pour retrouver le goût du Piémont à Paris, il faut courir chez « Gustibus », 33 rue Saint Sébastien dans le 11e. On y déguste une cuisine italienne et surtout piémontaise réalisée avec beaucoup de talent, et la carte change toutes les deux semaines. On s’y est récemment régalés avec des sardines aux abricots secs, des linguine à l’encre de seiche, aubergines grillées et seiche, des gnocchis maison au gorgonzola et aux poires, ou encore une cuisse de lapin farcie à la mozzarella accompagnée de jeunes fèves. Pour le dessert, la panna cotta all’antica est cuite au four pendant très longtemps, ce qui lui donne un côté terriblement crémeux…

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