Le Mirazur, Menton

Cet été, nous avons eu la chance de déjeuner au Mirazur, le restaurant triplement étoilé de Mauro Colagreco à Menton. Raconter ce moment inoubliable dans un univers exceptionnel me permet de retrouver un peu de lumière en cet automne gris et morose.

Le voyage commence par une visite des jardins, où sont cultivés légumes, fruits, herbes aromatiques et plantes sauvages servis ensuite au restaurant. L’un de ces jardins s’étend sur les terrasses d’une ancienne villa ayant appartenu au roi belge Alberto I : les cultures luxuriantes rampant sur des ruines d’un temps révolu face à l’immensité azur de la Méditerranée nous transportent dans un environnement poétique et exceptionnel.

Les explications du jardinier en chef sont passionnantes, notamment sur la démarche très engagée en biodynamie, et l’on salue les poules et les ruches avant de repartir avec quelques graines de nigelle et d’œillet d’inde.

Mis en appétit par cette belle promenade, nous nous attablons avec plaisir dans la salle de restaurant, véritable balcon sur la Méditerranée, avec une vue imprenable sur la ville de Menton.

Inspiré par l’observation de la nature, notamment dans ses jardins, le chef a récemment décidé de proposer des menus dictés par le calendrier biodynamique, autour de quatre thématiques : feuilles, fleurs, fruits et racines. En fonction du cycle de la lune et des planètes, on découvre donc quelle sera la thématique du jour.

Que l’on soit sensible ou non à cette philosophie, qui laisse la lune et les influences cosmiques choisir à la place du client le contenu de son assiette, on peut au moins saluer l’originalité de la démarche et surtout le très strict respect du thème imposé, du début à la fin du repas.

Comme le laisse présager la décoration de la table, ce jour-là ce sont les racines qui sont à l’honneur, et l’on commence l’apéritif en croquant dans un radis du jardin et sa sauce vinaigrée, une tartelette à l’oignon et au comté, quelques rouleaux de patate douce à l’oseille, des carottes soufflées accompagnées d’une crème au cumin et de très jolies chips de différentes pommes de terre (vitelotte, patate douce…)

Le rituel du pain, l’une des signatures du chef et du lieu, arrive ensuite avec le magnifique poème de Pablo Neruda pour accompagner un pain tiède au parfum incomparable, que l’on rompt avant de le déguster avec un peu d’huile d’olive parfumée au gingembre.

Le repas débute avec des lamelles de betterave cuite en croûte de sel accompagnées de caviar français osciètre. L’accord terre-mer dans toute sa splendeur, accompagné à merveille d’un saké aux notes anisées et réglissées.

On nous amène ensuite un chou rave entier, qui renferme une fraîcheur de coquillages, sauce « leche de tigre ». L’ensemble est particulièrement subtil et savoureux, la réussite tenant selon moi au dosage parfait des saveurs (iode des coquillages, douceur du lait de coco, présence du piment qui reste discrète, contraste du végétal…

A croquer du bout des doigts : une tartelette cébette et œufs de truite de la vallée de la Roya. Soucieux de mettre à l’honneur les produits locaux, le chef puise dans un terroir local exceptionnel.

L’entrée suivante est bouleversante de simplicité : pommes de terre du jardin, anguille fumée, sauce cabillaud et ciboulette. Tout simplement magnifique.

Le calamar de Bordighera snacké, patate douce cuite au four à bois une nuit, sauce bagna cauda et pourpier, enchante lui aussi nos papilles. Le clin d’œil à la cuisine italienne est particulièrement réussi. Accompagné d’un Cloudy Bay de Nouvelle Zélande qui donne une expression magnifique du Sauvignon.

Très graphique, la lotte « dark side of the moon » se cache sous un voile d’ail noir, et s’accorde à merveille avec une sauce hollandaise au réglisse. Un seul regret toutefois à mon goût: le poisson est un peu trop sec, probablement en surcuisson. Le Douro Blanc qui l’accompagne était une très belle découverte, avec un boisé bien maîtrisé et des notes de fruits jaunes très agréables.

Vient ensuite le seul plat de viande du repas, un pigeon en trois services :

  • accompagné d’un oignon rouge de Tropea effeuillé au foie gras, risotto d’épeautre, jus à l’hibiscus et demi-glace de pigeon
  • en raviole, avec l’eau de cuisson de l’oignon en guise de bouillon
  • la cuisse avec quelques lamelles de myrtille

Le tout est exécuté à la perfection.

Le premier dessert : pistache/curcuma/carotte est tout aussi surprenant en bouche que visuellement. On découvre une pâte de pistaches très gourmande sous les saveurs végétales de la carotte et du curcuma.

Le second dessert, autour de la pomme de terre vitelotte et du café, est très agréable, mais manque un peu de gourmandise et de textures à mon goût.

Les mignardises respectent elles aussi la thématique des racines : sorbet carotte, tartelette réglisse, bonbon topinambour, tartelette patate douce et
pâte de fruits gingembre… aucune entorse à la règle, la racine est partout, mais l’on regrette tout de même qu’il n’y ait pas un peu plus de créativité. Par exemple, le sorbet carotte a effectivement bien le goût de carotte, mais… c’est tout! Du jus de carotte glacé : on reste un peu sur notre faim pour un restaurant triplement étoilé.

Au final, nous avons bien sûr dégusté un repas de haut-vol, et la cuisine si personnelle de Mauro Colagreco nous a conquis. Le thème des racines n’était pas celui qui nous faisait le plus envie, pourtant nous avons été bluffés par la qualité des plats et l’exigence de respecter ce thème du début à la fin du repas, ce qui pousse le chef à redoubler de créativité.

Quelques regrets cependant : le prix du menu, 320€ par personne, nous a semblé malgré tout élevé, par comparaison avec d’autres restaurants du même standing qui proposent des menus tout aussi bluffants à des prix plus raisonnables. Le plateau de fromage, facturé en sus (+25€), nous a également semblé exagéré. Le niveau des desserts, enfin, nous a semblé un peu en-deçà.

En revanche, les accords mets-vins, proposés autour de deux parcours (vins du monde ou vins de la région) étaient particulièrement réussis et nous ont permis de faire de très belles découvertes.

Un dernier mot pour saluer la gentillesse, l’authenticité et le professionnalisme du personnel de salle: aucune sensation d’être dans un environnement guindé qui peut parfois déranger dans les restaurants étoilés, mais bien au contraire d’être accueillis chaleureusement dans une maison familiale.

Restaurant Mirazur

30, avenue Aristide Briand
06500 Menton
Tél : +33 (0)4 92 41 86 86
reservation@mirazur.fr

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