L’Arnsbourg

Le nom de Jean-Georges Klein ne dit pas grand chose à monsieur tout le monde, même à celui qui s’intéresse un peu à la gastronomie… et pourtant, s’il est surement le plus discret des chefs triple étoilés, le propriétaire de l’Arnsbourg, à Baerenthal en Moselle, mérite que l’on parle de lui.

Gilles Pudlowski se demande même s’il ne s’agit pas tout simplement de la meilleure table du monde… et après un repas d’anthologie dans son restaurant, on a bien du mal à ne pas se poser nous aussi la question!

Un repas tout simplement parfait, jusque dans ses moindres détails, où chaque plat nous a interpelés, séduits et parfois émus :

Les Petits savoureux apéritifs, que nous avons accompagnés de deux coupes de Billecard Salmon rosé arrivent tout d’abord, avec un sablé aux anchois et parfum d’anis, une cuillère façon cocktail à la tequila et sorbet fraise, du mais en texture, un macaron virtuel aux algues et oeufs de hareng (qui s’évapore immédiatement en bouche et dévoile un agréable parfum de yuzu en fin de dégustation), et des toasts au tartare de boeuf… végétarien, qui est en fait réalisé avec de la tomate séchée : bluffant!

Encore un amuse bouche savoureux avec l’Oeuf d’Or, incontournable de la maison, dont le jaune et le blanc sont cuits de manière à avoir exactement la même consistance, et qui cache un tartare de sardine au citron jaune et est accompagné d’une mouillette à la tomate.

La première entrée, une déclinaison de fleurs et légumes de printemps, est tout en délicatesse et va crescendo :

Le cône de bettrave, tartare de hareng et émulsion hibiscus, croquant et audacieux,

puis un gourmand Spaghetti au parmesan, variation de légumes verts, mousse au citron et parfum de violette,

Et pour terminer, dans une petite coupelle, une Mousse de yaourt, huile de fraise, sorbet à la rose : tout simplement sublime.

Nous dégustons avec ces entrées un riesling de chez Trimbach cuvée Frederic Émile 2001, au nez très élégant de fleurs d’acacia, et une superbe minéralité et cet inimitable caractère pétrolé qui donne une belle profondeur au vin.

La fameuse Huitre Gillardeau en graduation arrive ensuite, servie avec une émulsion de lait de soja a la citronnelle

Le « Duo » en foie gras représente deux mains enlaçées moulées… Si nous mettons quelques secondes à reconnaitre la forme des mains, le gel de myrtille, la crème aux noix de pécan et le riz soufflé l’accompagnent à merveille.

Le Dos de cabillaud et son bouillon perlé, hollandaise de miso et yuzu, compotée de rhubarbe à des parfums d’ailleurs…  La poisson, snacké à la plancha, est recouvert de fines tranches de radis en trois couleurs : rouge, vert, et blanc. Nous reconnaissons immédiatement la cinquième saveur dans ce plat : l’umami. L’association du yuzu avec la rhubarbe, bien que surprenante au premier abord, est très réussie : l’acidité de la rhubarbe vient souligner le parfum si subtil du yuzu, et les billes de tapioca roulent délicieusement en bouche…

La marée et ses crustacés : derrière ce nom mystérieux se cache surement le plat qui nous aura le plus ému de toute la soirée. C’est un plat en deux temps, servi sur des assiettes « magiques » à deux étages, que nous avions déjà vues chez Pierre Gagnaire. A l’étage suppérieur, comme déposées là par la marée, plusieurs algues aux goûts et textures plus surprenants les uns que les autres, une fine chaire de tourteau accompagnée d’une sauce hollandaise de soja, une écrevisse et ses cubes de gelée à l’orange, le tout frais et iodé à souhait.

A l’étage inférieur, le choc : Homard bleu, langoustine et gambas royale, bonbon de petit pois, champignons, bouillon gingembre citronnelle et émulsion coco. Lunaire. La texture des crustacés, et en particulier de la langoustine, dont on ne saurait dire si elle est crue ou cuite est indescriptible.

L’association de champignons avec les crustacés est tout simplement géniale, et me rappelle une recette de Fumiko Kono où l’on verse un bouillon de champignons sur un riz à la chair de crabe.

Stars de la saison, les Asperges blanches, sauce hollandaise, marc de tomate noire, huile de fleur de sureau, sont tout en délicatesse : la légère amertume de l’asperge répond à merveille au suave parfum des fleurs de sureau, et le marc de tomate noire, au goût prononcé, à une texture de fraise.

Le Grenadin d’agneau de lait, son cannelloni d’abats, purée de pois chiches, gel de kumquat est l’exemple même de la perfection : viande cuite à la perfection, douce purée de pois chiches relevée de copeaux d’olives vertes, et des condiments ail noir et kumquat donnant un vrai relief au plat. Le caneloni d’abats servi à côté avec une sauce au sésame et une au citron confit est savoureux, et pourtant je suis incapable de manger des abats en temps normal!

Jean-Georges Klein prouve avec ce plat qu’il n’a pas forcément besoin d’utiliser des produits exotiques ou inconnus pour faire de la très grande cuisine.

Nous dégustons avec ce plat un Saumur Champigny Les Roches Neuves 2002 de Thierry Germain. Le vin est à pleine maturité, dévoilant un joli côté fruité de mûre ou de baies de cassis, et des notes plus évoluées de cuir voire de cire.

La transition vers le dessert se fait avec un Cappuccino de céleri fane à l’huile d’olive : une texture aérienne cachant des cubes de pomme verte et de fêta qui viennent délicatement mettre en valeur le goût du céleri.

Peut-être notre seul regret de la soirée aura été de ne pas gôuter au célèbre cappucino de pomme de terre et truffe, qui n’était pas dans le menu dégustation ce jour là!

Le plateau de fromages, majestueux ne sera pas en reste, avec du tallegio Italien, une tome d’abondance et un excellent gruyère.

Les desserts sont une Invitation à la découverte :

Un cube à la betterave crapaudine, délicieusement surprenant, est accompagné d’un sorbet au galanga,

Une légère gelée de fraises est servie avec sa sucette de chocolat blanc au riz au lait et un divin sorbet aux herbes fraîches, parfumé et rafraîchissant

Et les mignardises n’en finissent plus d’arriver, et le jeu est d’en découvrir les parfums : petite guimauve à la Pina colada, cube mangue chocolat cacahuètes, meringue ananas gingembre, tuile à la framboise et étonante tuile aux cèpes…

Tout n’est que merveille et enchantement, jusqu’au café servi dans le petit salon, où l’on goute une infusion maison verveine citronelle réglisse badiane à tomber, et encore quelques douceurs : truffe au grand marnier, chamallow pamplemousse, praliné au sésame, quelques caramels au yuzu et beurre salé.

Nous terminons avec une ganache au yuzu, qui explose en bouche et dont on a bien du mal à se remettre… tout comme de ce repas, en somme.

L’Arnsbourg

57230 Baerenthal
03 87 06 50 85
l.arnsbourg@wanadoo.fr

D’autres récits de repas à l’Arnsbourg? Chez Easy Kitchen, qui a eu la chance d’y manger trois fois (ce sont ses récits qui nous ont décidés à y aller), et encore ici ou

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