Fontevraud – Le restaurant

Dans le cadre majestueux et chargé d’histoire de l’Abbaye de Fontevraud, se trouve un hôtel particulièrement agréable, et un restaurant qui a obtenu cette année sa première étoile Michelin.

Le chef, Thibaut Ruggeri, a fait ses classes chez les plus grands : Michel Guérard aux Prés d’Eugénie, Georges Blanc au Splendid, Michel Kayser à l’Alexandre, Alain Solivérès au Taillevent, avant de rejoindre les ateliers de la Maison Lenôtre en 2007. Il a également remporté de nombreux prix de cuisine, et en particulier le très prestigieux Bocuse d’or en 2013.

Le voici depuis 2014 aux commandes du restaurant de ce lieu superbe, presque intimidant tant il est monumental, avec une très belle salle au décor épuré, qui s’articule autour du cloître et de la salle du chapitre, et un bar « haute technologie » aux tables connectées sous les voûtes millénaires.

La philosophie du chef à tout pour séduire: mise en valeur des produits locaux et du terroir, jardin potager au sein même de l’Abbaye, et même quelques poules qui évoluent dans le cloître, sous le regard amusé des clients.

C’est donc sans hésiter que nous avons choisi le menu en 6 services (85€), pour découvrir pleinement la personnalité de ce jeune chef talentueux.

Et nous avons découvert une cuisine très contemporaine dans des assiettes épurées, certes, mais dont l’audace et la complexité peuvent parfois laisser songeur…

Choux apéritif

Bouillon aux champignons et grué de cacao, champignon au chocolat

Le repas commence par un hommage à la vie monastique d’autrefois puis aux prisonniers qui ont habité les lieux : du pain sec et de l’eau. Bien sûr, l’ensemble est un peu agrémenté, puisqu’il s’agit d’un bouillon aux champignons de Paris et au grué de cacao, dont le croquant est toujours bien agréable, avec un étonnant champignon recouvert de chocolat, certes rigolo, mais qui, sur le plan gustatif, nous a laissé très dubitatifs.

La révolution du potager

On continue avec la « révolution du potager », titre qui fait bien sûr immédiatement penser au gargouillou de jeunes légumes de Michel Bras, entrée végétale mythique qui a été réinterprétée par de nombreux chefs ensuite. Visuellement, l’assiette est très réussie. Sur le plan gustatif, c’est assez décevant : une purée de petit pois, un sorbet mentholé agréable, et quelques légumes disposés sur le côté, qui, ce qui m’a beaucoup gêné, ne sont même pas assaisonnés. C’est frais, végétal, certes, mais pas vraiment goûteux: rien de révolutionnaire, contrairement à ce qui était annoncé.

Déclinaison du champignon de Paris au foie gras et café, dentelle de sarrasin

La seconde entrée nous a bien plus enthousiasmés: le champignon de Paris en différentes textures (cru, cuit, en duxelle) s’accorde parfaitement avec le foie gras (et me rappelle une création de Pascal Barbot à l’Astrance), et les arômes de café et de sarrasin viennent parfaire l’harmonie de l’ensemble. A nouveau, la présentation est également très réussie.

Asperge, encornet, chorizo

L’assiette suivante, très prometteuse, avec un accord asperge/encornet/chorizo bien appétissant, est d’autant plus décevante: l’encornet, c’est censé être le petit morceau joliment zébré que l’on voit sur la photo. Et pourtant, ce n’en est pas! Ou plutôt, il s’agit d’une sorte de pâte reconstituée (apparemment à base de blanc d’oeuf), certes très légère et ayant bien une saveur d’encornet, mais qui donne la fâcheuse impression de manger un ersatz de ce délicieux mollusque… le serveur, que j’interroge sur le sujet, me répond simplement que le chef ne dévoile pas ses recettes. Les asperges sont bien cuites et le chorizo est là, mais il n’y a aucun liant, et les saveurs se juxtaposent sans se répondre.

Pintade au homard, purée à la moutarde à l’ancienne

La pintade au homard, qui nous a été présenté comme incontournable à la commande, restera un grand point d’interrogation pour moi. Comment peut-on, en utilisant d’aussi nobles produits, arriver à un résultat aussi peu savoureux? La pintade, très ferme, elle est entourée d’une sorte de peau de homard, et le tout rend beaucoup de gras, que l’on peut voir au fond de l’assiette. Les accompagnements sont éclectiques et sans cohérence: tube de navet, purée à la moutarde à l’ancienne, coulis sucré probablement aux poivrons, et quelques morceaux de homard dont on peine à retrouver le goût au milieu de toutes ces saveurs accumulées. Quelle déception! La traditionnelle pintade aux écrevisses, qui peut être un grand moment de gastronomie, nous semble tellement loin…

Surprise pomme, radis, citron

Un petit rafraîchissement avant les desserts: sorbet radis, morceau de pomme, et vinaigrette à l’huile d’olive et au miel : c’est amusant, fort en radis, mais franchement pas inoubliable.

Glace à la baie de genièvre, mousse myrtille

En guise de pré-dessert, une glace à la baie de genièvre et sa mousse myrtille, pour le coup assez agréable.

Citron jaune et olive noire

On termine avec un autre plat signature du chef: un dessert à base de citron jaune et d’olive noire. L’assiette est très compliquée, avec au moins 6 éléments différents, et des goûts déroutants : le sel, bien présent, de l’olive noire, répond difficilement à l’acidité de la crème au citron. Je n’ai pris aucun plaisir à déguster ce dessert, pas vraiment gourmand à mon sens, et n’ai pas même réussi à terminer l’assiette.

Le service, très agréable, chaleureux et prévenant, mérite néanmoins d’être salué, tout comme le sommelier qui nous a fait découvrir de belles étiquettes, dont un Pouilly-vinzelles 2012 de chez Valette particulièrement surprenant.

En définitive, je ne cache pas ma déception après ce dîner à Fontevraud, sûrement d’autant plus importante que j’avais de grandes attentes. La cuisine de ce chef ne m’a pas émue, ne m’a pas touchée, ni fait vibrer ce soir là. Mais peut-être reverrais-je mon avis lors d’une prochaine rencontre!

Fontevraud – le restaurant

38 r. St-Jean-de-L’Habit

49590 Fontevraud L’Abbaye

02 46 46 10 10
http://www.fontevraud.fr

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